La "liaison librarian" est l'un des avatars de la "subject" librarian avec l'arrivée d'internet. La "subject librarian" et la "reference librarian" étaient pour moi les deux principales fonctions dans le paysage américain des bibliothécaires. Cette bibliothécaire de liaison était chargée de s'occuper des collections d'ouvrages, mais aussi d'établir et d'assurer des liens et des communications avec les chercheurs : par exemple en formation à l'information.

Au cours de mes balades dans la blogosphère, des expressions ou des concepts, pour décrire l'extension de la fonction, comme formation à l'information, blogs recherche, élargissement du point de vue des bibliothécaires/documentalistes, vision stratégique, intégration aux programmes de recherche, coopération chercheurs-bibliothécaires/documentalistes, etc. ont attiré mon attention, et ont même résonné en moi. La réforme de ce concept de liaison m'a paru correspondre à ce que je pense des nécessaires relations à établir entre chercheurs et professionnels de l'information au sein de la communauté du savoir.

Par moments, je me suis demandée si la demande était réelle pour l'IST (Information Scientifique et Technique) et non forgée pour préserver les postes actuels des bibliothécaires (ou documentalistes) en rénovant leur contenu. Mais un petit séjour sur internet et dans la blogosphère, et des lectures comme le dernier livre de Christine L. Borgman, me confirment vite que ce changement est vital pour la recherche aussi ; les professionnels de l'information (contenu) et les producteurs de ce contenu doivent se rapprocher et guider - ou créer- la nouvelle communication scientifique ensemble : sinon les chercheurs risquent de voir leurs merveilleuses initiatives dévoyées, biaisées, édulcorées (par exemple voir les problèmes de copyright, voir aussi les citations et le webometrics, etc.) ou se terminer en combats récurrents, coûteux et vains, du type " action-réaction". Cela demande probablement une révolution dans les relations entre chercheurs et spécialistes de l'information : plus de confiance d'un côté, plus de compétences de l'autre, et vice et versa!

  • On a déjà essayé de proposer de telles idées dans un schéma directeur de l'IST d'entreprise, mais les anciennes habitudes des participants au groupe de réflexion ont vite édulcoré les propositions en l'absence de projet précis. Dans ces cas là, ne doit pas manquer le soutien ou l'incitation hiérarchique scientifique pour continuer. L'une des raisons du démarrage de ce blog était, à l'origine, de réfléchir à cette question : l'IST (Information Scientifique et Technique) est elle intégrée (ou à intégrer) au soutien à la recherche ou aux programmes de recherche (ou scholarship)? Pourquoi et comment? J'espère toujours que d'autres, chercheurs, bibliothécaires, et documentalistes, vont se joindre à ma réflexion

Depuis un moment, je pense - et je l'ai souvent entendu confirmer au cours de présentations d'expériences réussies- que les bibliothécaires et les documentalistes ne pourront vraiment réaliser leurs projets d'envergure qu'avec un fort soutien, sinon l'initiative de la hiérarchie.

  • Par exemple, l'idée de la rédaction d'un schéma directeur IST était une bonne idée, visant à ce que la communauté IST de l'entreprise anticipe et planifie ses projets et ses demandes de budgets. La globalisation des dépenses d'abonnement avec l'arrivée du numérique en est une occasion. Mais cela ne peut être fait pertinemment qu'en dialogue avec les directeurs de recherche (ou la maîtrise d'ouvrage) qui apporteront leur éclairage global de la politique de recherche de l'entreprise, et des moyens qu'elle met en oeuvre, enfin sur les initiatives en cours, comme en e-science par exemple, etc. Je crains malheureusement que cette réflexion sur l'information et sa communication n'existe pas toujours entre les différentes communautés de recherche d'une entreprise, au moins au niveau stratégique. Là, si tel est le cas, les professionnels de l'information peuvent être "force de proposition" ou plutôt "force de réflexion"!!

Je pense très fort que la hiérarchie doit assurer un rôle de compréhension (active) non seulement de l'intérêt mais de l'inexorabilité, pour la communauté du savoir, chercheurs et professionnels des contenus de l'information, et sa communication, de ce qui est en train de se passer (les e-books, le Web 2 et ses outils, les initiatives du type Creative Commons, Copyright, Open Access, E-Science, etc. ). Comme l'écrit Christine L. Borgman dans son dernier ouvrage, c'est maintenant que nous devons dire ce que nous, la communauté du savoir (scholarship), voulons, avant que toute l'infrastructure actuellement en cours de montage soit en place. Nous profiterons mieux du mouvement si nous y participons sans nous le faire imposer : je parle du mouvement, et de ses conséquences sociales et de gestion sur plusieurs communautés de travail, pas seulement de quelques applications techniques, ni seulement de certains scientifiques.

The technology now exists to enhance scholarship and learning through online access to information, data, tools, and services. (...) Many in the academic community see the alignment of technical and policy goals as a "once in-a-generation opportunity" to lead the revolution in science and engineering (Atkins et al, 2003) (...) Once (infrastructure) built, it will not easily be changed. History reveals that early decisions in technology design often have profound implications for the trajectroy of that technology. Now is the time to determine what we should be building. (Borgman p2 Scholarship in the digital age)

Ma traduction :

La technologie existe déjà qui permet de renforcer la science et l'enseignement gràce à l'accès en ligne à l'information, aux données, aux outils et aux services (...) Beaucoup dans la communauté académique voient dans la convergence (actuelle) des buts politiques et techniques une occasion unique ("qui n'arrive qu'une seule fois par génération") de conduire la révolution dans les sciences et l'ingénierie(Atkins et al, 2003) (...) L'insfrastructure une fois en place ne sera pas aisément modifiable. L'histoire révèle que des décisions précoces concernant des technologies ont des profondes conséquences sur la trajectoire de ces technologies. C'est maintenant le moment de dire ce que nous voulons construire.

Voilà aussi pourquoi je souligne tant certains propos lus dans ce rapport publié dans RLI (Research Library Issue 265): il faut à la bibliothèque un engagement non de soutien de la recherche mais se situant en amont des programmes de recherche : soit par le biais de participation aux demandes de subventions ou de budgétisation, soit par le biais de la création d'une sorte de chef de projet IST (ou directeur), soit par le biais de partenariat dans les programmes de recherche, soit par d'autres biais à inventer (qui découleront de nos réflexions sur des initiatives telles que "science commons", ou sur la e-science,....), etc. Je vous livre ci-dessous tous les extraits qui m'ont aidée à formaliser ces propositions :

Evolution vers un engagement et partenariat dans les enseignements et programmes de recherche

Many university libraries are adopting a Faculty Liaison Librarian structure as an integral part of their organization and service delivery model. (...) the emerging role is characterised by a more outward-looking perspective and complexity, emphasizing stronger involvement and partnership with the faculty and direct engagement in the University’s teaching and research program.

Implication des bibliothécaires en amont de la recherche, participation aux demandes de subvention ou à l'établissement du budget de recherche

Another area of involvement is assisting researchers with preparing research grant applications, especially where there may now be requirements for applicants to address up-front issues around the capture, storage and dissemination of the research resulting from the grant funding. This has the potential to see liaison librarians more involved from the beginning of the research process.

Bibliothécaire chef de projet : capable de constituer des équipes si cela peut résoudre un problème

Liaisons cannot be expert themselves in each new capability, but knowing when to call in a colleague, or how to describe appropriate expert capabilities to faculty, will be key to the new liaison role. Just as researchers are often working in teams to leverage compatible expertise, liaison librarians will need to be team builders among library experts where this advances client research.



While the liaison librarians have traditionally undertaken this “go-between” role, there appears to be greater expectations by library management that this engagement with the client groups should intensify and even move to a higher level, with a stronger outward focus and participation of the Faculty Liaison Librarian as an equal professional partner in the research, teaching and learning functions.

J'ai noté aussi une proposition : que les bibliothécaires organisent des présentations par les chercheurs de l'état de leurs travaux. Je sais que de telles présentations existent entre chercheurs, souvent, j'espère. Mais que les bibliothécaires trouvent moyen d'en organiser quelques unes (interdisciplinaires) me paraît innovant, et fructueux pour renforcer la connaissances professionnels de l'information- chercheurs; ça pourrait être une idée à creuser. Qu'en pensez-vous? Et un moyen comme un autre de créer des liens forts et de susciter des idées de collaboration entre chercheurs et bibliothécaires/documentalistes en vue d'un meilleur usage de l'information. Ce sont les dialogues entre communautés qui manquent souvent.

Those relationships, created with thoughtful, targeted outreach programs, are at the core of our role as middleware and will be an increasingly important component of the work of liaison 2.0. For example, one outreach effort I created in our science reference center at NYU is a research salon held three times each semester. Each salon features a presentation of one graduate student’s or faculty member’s research, bringing together researchers from across the sciences. These salons allow those researchers to network in ways that might not otherwise be possible, and it allows our science librarians to interact face-to-face with researchers that they might not otherwise be reaching.